Les données

Dans sa finalité, le projet se positionne dans un paradigme de recherche mixte en articulant entretiens, questionnaires et recherche intervention. Nous concevons le projet en plusieurs phases dont la première est au cœur du projet déposé dans le cadre du GIS. Cette dernière a une fonction de développement (Greene et al., 1989) en pensant qu’une pré-étude qualitative basée sur un recueil large d’entretiens pourra éclairer la deuxième phase postérieure à la réalisation du GIS.

Ces entretiens se veulent « compréhensifs » selon le terme proposé par Kaufmann et Singly (2016). Ils s’appuient sur des informateurs·rice·s dont la parole contient et concentre l’ensemble des données qualitatives récoltées in situ (Ibid. : 10), en visant une articulation étroite entre données et hypothèses. Une posture participante sera privilégiée en faisant l’hypothèse qu’elle facilitera un réel engagement des enquêté·e·s dans l’interaction, en vertu du principe de réciprocité (Ibid. : 52). Il en résultera un matériau verbal dont la richesse et la complexité appellent à compléter la traditionnelle analyse de contenu par un examen des indices énonciatifs et interactionnels à même de révéler implicites, ambiguïtés et divergences dans le discours des enquêtés. À la conscientisation des biais inhérents à la situation d’entretien (Blanchet, 1985), au sein de laquelle les questions de face jouent un rôle prépondérant (Goffman, 1973), le souci constant de ne pas imposer aux enquêté·e·s les catégories propres aux chercheurs et chercheuses sera considéré.

Les entretiens seront menés au sein de deux grands volets :

  • le volet métier des services en s’intéressant à l’insertion professionnelle de travailleur·euse·s allophones dans différents types de métiers (peu) qualifiés et en tension mais aussi dans les métiers de la parole ;
  • le volet métier de l’enseignement avec un focus sur l’identité professionnelle des enseignant·e·s de langues-cultures dites « étrangères » en comparaison aux enseignant·e·s d’autres disciplines.

Dans chacun des volets, nous ferons des entretiens avec des recruteur·rice·s afin d’obtenir une cartographie circulaire des représentations qui émergent des verbalisations recueillies.

Le corpus actuel comprend 25 entretiens menés par différents membres du projet. Le projet touchant à une thématique sensible – celle des discriminations – le respect de l’anonymisation y est particulièrement important. Le corpus se décompose en trois sous-corpus : 1) recrutements dans les métiers de la parole (n=9) 2) métiers de l’enseignement (n=12), 3) orthophonistes (n=4).

En tenant compte du fait que l’accent est une construction sociale et que les relations à celui-ci sont profondément influencées par le parcours personnel de chaque individu, nous reconnaissons l’aspect compréhensif de notre approche (Narcy-Combes, 2005). Nous ne visons pas à établir des principes universels pour les relations à l’accent et à la discrimination. Notre objectif est plutôt de révéler comment les individus se positionnent malgré leurs contradictions. Pour ce faire, le corpus a été codé avec un logiciel d’analyse qualitative (CAQDAS) (Rioufreyt, 2019), plus précisément MAXQDA, pour faciliter une analyse narrative (narrative inquiry/analysis) (Consoli, 2021) complétée d’une analyse de discours. Cependant, les données sont sensibles, car elles peuvent aborder des questions de discrimination. Nous évoluons donc dans un cadre spécifique qui reconnaît la nature personnelle des témoignages et assure le respect des participants par l’anonymisation des données.